Monday, July 25, 2005

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BAILA FERME : OPPOSITION AU RENOUVELLEMENT
Arrêt de la Cour de Cassation du 23 juin 2005:
" l'absence d'exploitation personnelle et effective ne constitue pas l'un des motifs sérieux d'opposition qui sont énumérés limitativement à l'article 37 de la loi sur les baux à ferme ; " il ne résulte d'aucune des dispositions de cette loi que le bail n'est pas renouvelé si les héritiers du preneur décédé n'exploitent pas personnellement et effectivement le bien loué ; "

N° C.04.0403.F 1. D. B. et 2. F. F., demandeurs en cassation, représentés par Maître Lucien Simont, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 149, où il est fait élection de domicile, contre 1. F. J. et 2. S. M., 3. F. H., 4. F. F., défendeurs en cassation, représentés par Maître Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 81, où il est fait élection de domicile. La décision attaquée : Le pourvoi en cassation est dirigé contre le jugement rendu le 20 février 2004 par le tribunal de première instance de Mons, statuant en degré d'appel. La procédure devant la Cour Le président de section Claude Parmentier a fait rapport. L'avocat général Thierry Werquin a conclu.


Les moyens de cassation Les demandeurs présentent deux moyens dont le premier est libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 1184, 1315, 1319, 1320, 1322, 1354, 1356 et 1741 du Code civil ; - articles 1er, 2, 1°, 29, 37 (spécialement ,§ 1er, 5°), 38, 39 et 43 de la section 3 du chapitre II du titre VIII du livre III du Code civil (des règles particulières relatives aux baux à ferme, ci-après " loi sur les baux à ferme ") ; - article 870 du Code judiciaire ; - principe général du droit relatif aux renonciations selon lequel la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut se déduire que de faits non susceptibles d'une autre interprétation.

Décisions et motifs critiqués Ayant constaté que les défendeurs avaient fait opposition au renouvellement du bail à ferme litigieux, en application de l'article 43, alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme, et que cette opposition était basée sur l'article 37, 5°, de ladite loi, le jugement attaqué déclare cette " opposition à cession privilégiée " fondée et condamne en conséquence les demandeurs à quitter, délaisser et remettre à la libre disposition des défendeurs, les terres et prairies qui avaient été données à bail, autorisant à cet égard l'expulsion. Il se fonde sur les motifs suivants : " (...) qu'il est constant que la loi du 4 novembre 1969 contient des règles particulières pour les baux à ferme ; Qu'en vertu de son article 1er, 1°, tombent dans le champ d'application de cette loi, les baux de biens immeubles qui, soit dès l'entrée en jouissance du preneur, soit de l'accord des parties en cours de bail, sont affectés principalement à une exploitation agricole, à l'exclusion de la sylviculture ; Que, par 'exploitation agricole', on entend l'exploitation de biens immeubles en vue de la production de biens agricoles destinés principalement à la vente ; Qu'il faut que l'exploitation demeure à tout moment un ensemble économique dirigé par le fermier lui-même, non pour lui permettre d'assurer ses seuls besoins personnels, mais aux fins de mettre des produits agricoles sur le marché (J.P. Nivelles, 29 avril 1981, Pas., 1981, III, p. 41, cité par V. Renier et P. Renier, 'Les baux à ferme', tiré à part du Rép. not., Bruxelles, Larcier, 1992, p. 140) ; (...) que, contrairement à ce que soutient le premier juge, il n'y a pas eu 'échange de cultures' au sens strict du terme entre (la demanderesse) et sa belle-famille, puisqu'un tel contrat innomé ne peut être conçu qu'entre des agriculteurs soucieux de rationaliser leur exploitation en regroupant leurs parcelles ; Que pour conserver le bénéfice des règles particulières aux baux à ferme, le fermier doit exploiter personnellement et effectivement le bien affermé ; le recours à des formes d'entraide et de solidarité paysannes ne peut être admis que dans la mesure où il n'aboutit pas en fait à éluder cette obligation (Cass., 13 avril 1967, Pas., 1967, I, p. 953) ; Qu'en réalité, (la demanderesse) a reconnu que ses beaux-parents exploitaient toutes les terres en échange de la nourriture pour leurs animaux (40 bêtes d'élevage) : ' En fait, c'est leur main-d'oeuvre et leur matériel qu'ils nous donnent en échange d'autres services de notre part' sans préciser la nature de ces services ; Que, dans ces conditions, l'échange de cultures allégué dissimule en réalité un abandon définitif par le preneur de l'exploitation agricole au profit d'un tiers en dehors des règles légales prévues en matière de cession de bail à ferme et constitue dès lors un abus de droit (voir P. Renier, Chronique de jurisprudence : le bail à ferme (1986-1995), J.T., 1996, p. 139, n° 151) ; (...) que, lorsque les animaux d'un élevage vivent principalement d'aliments qui sont achetés, et accessoirement de produits tirés de l'exploitation, comme en l'espèce, cet élevage ne tombe pas dans le champ d'application de la loi sur les baux à ferme (Civ. Anvers, 25 mai 1988, Rev. dr. rur., 1988, p. 296-297) ; (...) que la production de bordereaux d'achat de pulpes et de betteraves de la raffinerie Tirlemontoise, des attestations individuelles, l'agrément d'établissement laitier, les factures de livraisons de marchandises et produits d'un entretien agricoles ne démontrent pas à elles seules que (la demanderesse) exploite effectivement et personnellement l'ensemble ou une partie des terres litigieuses en vue de réaliser des bénéfices d'exploitation agricole ; Que, contrairement à ce que soutiennent les (demandeurs), sous réserve d'un actif de près d'un million de francs, dont il n'est pas établi qu'ils s'en servent eux-mêmes, il n'est pas établi (qu'ils) sont propriétaires d'un très vaste éventail de matériels et instruments agricoles ; Que, dans le cas d'espèce, l'entièreté de l'exploitation agricole, de l'aveu même de (la demanderesse) est assurée par sa belle-famille, sans qu'il soit établi qu'elle participe activement à une quelconque activité agricole soit sur ses propres terres prises à bail, soit sur celles de sa belle-famille ; Que (la demanderesse) n'a jamais produit ni offert de produire des documents fiscaux (attestations fiscales ou avertissements-extraits de rôle) justifiant la déclaration à l'impôt des personnes physiques de bénéfices d'exploitation agricole (calculés sur une base réelle ou forfaitaire) provenant de la vente du produit de ses terres depuis l'exercice d'imposition 1997; Que les (demandeurs) justifient avoir versé sur le compte de tiers des (défendeurs) une indemnité d'occupation de 2.880 euros pour les années 1996 à 2001 ; Qu'en conclusion, l'appel est fondé ".

Griefs 1. Première branche Suivant l'article 37, ,§ 1er, de la loi sur les baux à ferme auquel renvoie l'article 43, alinéa 2, de la même loi : " Peuvent seuls être admis comme motifs sérieux d'opposition : 1° le fait qu'avant toute notification de la cession le bailleur a donné un congé valable ; 2° l'intention du bailleur d'exploiter lui-même, dans un délai inférieur à cinq ans, le bien loué ou d'en céder l'exploitation à son conjoint, ses descendants ou enfants adoptifs ou à ceux de son conjoint ou aux conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs ; 3° des injures graves ou des actes d'hostilité manifeste de la part du cessionnaire à l'égard du bailleur ou de membres de sa famille vivant sous son toit ; 4° la condamnation du cessionnaire du chef d'actes de nature à ébranler la confiance du bailleur ou à rendre impossibles les rapports normaux entre le bailleur et son nouveau preneur ; 5° le fait que le cessionnaire n'a pas la capacité professionnelle requise ou qu'il ne dispose pas des moyens matériels nécessaires pour une bonne exploitation du bien loué ; 6° l'intention des administrations publiques ou personnes juridiques de droit public qui ont loué le bien, d'affecter ce bien, dans un délai inférieur à cinq ans, à des fins d'intérêt général ". S'il définit ainsi, de manière limitative, les motifs sérieux d'opposition à cession et retient parmi ceux-ci sub 5° le fait que le cessionnaire n'ait pas la capacité professionnelle requise pour exploiter le bien ou ne dispose pas du matériel nécessaire, l'article 37, ,§ 1er, ne retient pas le fait que le cessionnaire ne serait pas appelé à exploiter personnellement et effectivement le bien affermé. Il ne résulte par ailleurs d'aucune disposition de la loi sur les baux à ferme que le preneur d'un bail à ferme ou ses successeurs, visés aux articles 38, 39 et 43 de cette loi, seraient privés automatiquement de la protection de cette dernière au cas où ils n'exploiteraient " plus personnellement et effectivement " le bien " affermé ". Tout au plus la circonstance que le fermier ou ses successeurs n'exploiteraient plus personnellement les lieux loués, comme d'ailleurs le fait que le fermier ou son successeur aurait en réalité cédé son bail en dehors des conditions prévues par la loi, pourrait justifier, s'il en résultait un dommage pour le bailleur et si ce manquement se révélait suffisamment grave, la résolution du bail sur la base de l'article 29 de la loi sur les baux à ferme et des articles 1184 et 1741 du Code civil dont il est une application. Il s'ensuit qu'en déclarant l'opposition des défendeurs fondée et en prononçant la résolution du bail au motif qu'il ne serait pas démontré que " (la demanderesse) exploite effectivement et personnellement l'ensemble ou une partie des terres litigieuses en vue de réaliser des bénéfices d'exploitation agricole " et qu'elle a en réalité cédé son bail en dehors des conditions prévues par la loi, le jugement attaqué : 1) viole les articles 37, ,§ 1er, et 43, spécialement alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme en refusant le renouvellement du bail litigieux au profit de la demanderesse pour un motif non prévu par la loi ; 2) en tout cas, viole les articles 1er, 2, 38, 39 et 43 de la loi sur les baux à ferme en considérant de manière générale que le preneur d'un bail à ferme ou ses successeurs, visés aux articles 38, 39 et 43 de ladite loi, sont privés de la protection de cette loi s'ils viennent, en cours de bail, à ne plus exploiter les lieux " personnellement et effectivement " et ont en réalité cédé leur bail dans des conditions non prévues par la loi ; 3) à tout le moins, viole l'article 29 de la loi sur les baux à ferme et les articles 1184 et 1741 du Code civil, dont il est une application, en prononçant la résolution du bail aux torts des demandeurs pour le motif général que la protection de la loi ne leur serait pas acquise et qu'ils ont procédé à une cession en dehors des règles légales sans constater que ces manquements prétendus ont causé un dommage aux défendeurs et sont suffisamment graves " in concreto " pour justifier la résolution.
2. Deuxième branche L'activité d'élevage en vue de la boucherie et de la production de lait par des vaches laitières en vue de vendre ce lait à une laiterie, par un agriculteur qui dispose, comme en l'espèce, de prairies pour faire paître son bétail, constitue une exploitation agricole. Il importe peu à cet égard que le bétail concerné soit nourri principalement par des produits achetés et non par des produits tirés de l'exploitation de terres de culture dès lors que cet élevage ne présente pas le caractère d'un élevage ou d'une entreprise d'engraissement industriel, indépendant de toute exploitation agricole (articles 1er et 2, 1°, de la loi sur les baux à ferme). Il s'ensuit qu'ayant admis que la demanderesse disposait de quarante bêtes d'élevage, de l'agrément d'un établissement laitier et qu'elle avait investi un montant de près d'un million de francs dans son exploitation, le jugement attaqué ne pouvait légalement considérer que la demanderesse n'était pas à la tête d'une exploitation agricole pour le motif de principe que " lorsque les animaux d'un élevage vivent principalement d'aliments qui sont achetés, et accessoirement de produits tirés de l'exploitation (...) cet élevage ne tombe pas dans le champ d'application de la loi sur les baux à ferme " (violation des articles 1er et 2, 1°, de la loi sur les baux à ferme).
3. Troisième branche D'une part, l'aveu, comme toute renonciation, doit s'interpréter strictement en sorte qu'un aveu ne saurait se déduire que de faits ou actes non susceptibles d'une autre interprétation. L'aveu comporte, en effet, la renonciation par son auteur à contester le fait sur lequel il porte. D'autre part, s'il est vrai que, comme le relève le jugement attaqué, la demanderesse a déclaré lors de sa comparution personnelle devant le premier juge : " j'ai repris exactement les mêmes terres qu'exploitait ma mère. Nous avons 40 bêtes et mes beaux-parents exploitent les terres (c'est-à-dire les terres de culture) en échange de la nourriture pour nos animaux ", il ne suit ni de cette déclaration, ni des conclusions des demandeurs que la demanderesse aurait reconnu que " l'entièreté de l'exploitation agricole " était " assurée par sa belle-famille ". Au contraire, la demanderesse a déclaré que son mari, quoique employé, lui donnait " un coup de main ", qu'elle produisait du beurre et qu'elle avait un quota betteravier qu'elle cultivait (ibidem). Il s'ensuit qu'en fondant sa décision sur la considération que " dans le cas d'espèce, l'entièreté de l'exploitation agricole, de l'aveu même de (la demanderesse), est assurée par sa belle-famille ", le jugement attaqué : 1) prête aux déclarations de la demanderesse, lors de sa comparution devant le premier juge et reproduites par le jugement attaqué ainsi qu'aux conclusions d'appel des demandeurs, un aveu qui ne figure pas dans ces déclarations lesquelles comportent, au contraire, l'affirmation d'actes d'exploitation par les demandeurs, donne dès lors à ces déclarations une portée inconciliable avec leurs termes et viole, partant, la foi qui leur est due (violation des articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil) ; 2) à tout le moins, méconnaît la notion légale d'aveu en interprétant largement les déclarations de la demanderesse pour en déduire l'aveu susdit alors que l'aveu doit être certain et doit donc s'interpréter strictement en sorte qu'il ne peut se déduire que de faits ou actes non susceptibles d'une autre interprétation (violation des articles 1354 et 1356 du Code civil et principe général du droit visé au moyen).
4. Quatrième branche S'il est vrai que l'article 37, ,§ 1er, 5°, de la loi sur les baux à ferme prévoit comme motif d'opposition à renouvellement du bail au profit d'un cessionnaire privilégié, ou, par renvoi de l'article 43, alinéa 2, à un héritier descendant du fermier décédé, le fait que le cessionnaire ou ce successeur ne dispose pas " des moyens matériels nécessaires pour une bonne exploitation du bien loué ", cette disposition n'impose pas au cessionnaire ou au successeur de disposer immédiatement de tout le matériel nécessaire à son exploitation, mais, seulement, de disposer des moyens financiers pour en acquérir et plus généralement pour faire fonctionner son exploitation. A fortiori, l'article 37, ,§ 1er, 5°, n'impose-t-il pas que le cessionnaire ou le successeur concerné dispose " d'un très vaste éventail de matériels et instruments agricoles ". Il s'ensuit qu'en déclarant fondée l'opposition formulée par les défendeurs sur la base des articles 37, ,§ 1er, 5°, et 43, alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme pour le motif que " sous réserve d'un actif de près d'un million de francs dont il n'est pas établi qu'ils s'en servent eux-mêmes, il n'est pas établi que les (demandeurs) sont propriétaires d'un très vaste éventail de matériels et instruments agricoles ", le jugement attaqué a méconnu la portée desdits articles 37, ,§ 1er, 5°, et 43, alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme et, partant, a violé ces articles.
5. Cinquième branche Il résulte tant de l'économie des articles 37, ,§ 1er, et 43, alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme que des articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire qu'il appartient au bailleur, qui forme opposition sur la base des articles 37 et 43 précités, d'établir le motif d'opposition qu'il invoque et non au (preneur) de faire la preuve que ce motif n'est pas établi. Or, le jugement attaqué énonce : " que la production de bordereaux d'achat de pulpes et de betteraves de la raffinerie Tirlemontoise, des attestations individuelles, l'agrément d'un établissement laitier, les factures de livraisons de marchandises et produits d'entretien agricoles ne démontrent pas à elles seules que (la demanderesse) exploite effectivement et personnellement l'ensemble ou une partie des terres litigieuses en vue de réaliser des bénéfices d'exploitation agricole ; Que, contrairement à ce que soutiennent les (demandeurs), sous réserve d'un actif de près d'un million de francs dont il n'est pas établi qu'ils s'en servent eux-mêmes, il n'est pas établi (qu'ils) sont propriétaires d'un très vaste éventail de matériels et instruments agricoles ; Que, dans le cas d'espèce, l'entièreté de l'exploitation agricole, (...) est assurée par (la) belle-famille (de la demanderesse) sans qu'il soit établi qu'elle participe activement à une quelconque activité agricole soit sur ses propres terres prises à bail, soit sur celles de sa belle-famille ; Que (la demanderesse) n'a jamais produit, ni offert de produire des documents fiscaux (attestations fiscales ou avertissements-extrait de rôle) justifiant la déclaration à l'impôt des personnes physiques de bénéfices d'exploitation agricole (calculés sur une base réelle ou forfaitaire) provenant de la vente du produit de ses terres depuis l'exercice d'imposition 1997 ". Ce faisant, il impose, en réalité, aux demandeurs d'établir que le motif d'opposition, allégué par les défendeurs, n'était pas établi. Il viole ainsi, d'une part, les articles 37, ,§ 1er, et 43 de la loi sur les baux à ferme et, d'autre part, les articles 1315, spécialement alinéa 1er, du Code civil et 870 du Code judiciaire qui font peser sur le demandeur la charge de la preuve des faits qu'il invoque à l'appui de sa demande.

La décision de la Cour Sur le moyen : Quant à la première branche : Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen, en cette branche, par les défendeurs et déduite de sa nouveauté : Attendu que le moyen critique le motif du jugement attaqué qui, pour déclarer fondée l'opposition des défendeurs et prononcer la résolution du bail, considère qu'il n'est pas démontré que les demandeurs exploitent effectivement et personnellement l'ensemble ou une partie des terres litigieuses en vue de réaliser des bénéfices d'exploitation agricole ; Attendu que n'est, en principe, pas nouveau le moyen qui critique un motif que le juge donne à l'appui de sa décision ; Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie ; Sur le fondement du moyen, en cette branche : Attendu que l'article 41, alinéa 1er, de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme dispose que les héritiers ou les ayants-droit du preneur décédé peuvent convenir de continuer en commun l'exploitation ou désigner un ou plusieurs d'entre eux pour la continuer ; Que l'article 42 de la même loi prévoit que l'accord intervenu entre les héritiers doit être notifié au bailleur ; qu'en vertu de l'article 43, alinéa 1er, si celui qui continue l'exploitation est notamment un descendant du défunt, la notification entraîne, sauf opposition déclarée valable du bailleur, renouvellement de plein droit du bail ; Attendu que le jugement attaqué constate que la demanderesse est l'une des filles de l'exploitante décédée, qu'il a été convenu avec l'autre héritière qu'elle poursuivrait l'exploitation, que cet accord a été notifié aux défendeurs et que ceux-ci ont fait opposition au renouvellement du bail, conformément à l'article 43, alinéa 2, de la loi sur les baux à ferme, en invoquant le motif prévu à l'article 37, 5°, de cette loi, à savoir que la demanderesse n'aurait pas la capacité professionnelle requise ou ne disposerait pas des moyens matériels nécessaires pour une bonne exploitation du bien loué ; Attendu que le jugement attaqué accueille l'opposition des défendeurs au motif que " pour conserver le bénéfice des règles particulières aux baux à ferme, le fermier doit exploiter personnellement et effectivement le bien affermé " et qu'il n'est pas établi que la demanderesse " participe activement à une quelconque activité agricole " sur les terres litigieuses ; Attendu que, d'une part, l'absence d'exploitation personnelle et effective ne constitue pas l'un des motifs sérieux d'opposition qui sont énumérés limitativement à l'article 37 de la loi sur les baux à ferme ; que, d'autre part, il ne résulte d'aucune des dispositions de cette loi que le bail n'est pas renouvelé si les héritiers du preneur décédé n'exploitent pas personnellement et effectivement le bien loué ; Que le jugement attaqué ne justifie pas légalement sa décision de déclarer fondée " l'opposition à cession privilégiée formée par les (défendeurs) en vertu de l'article 43, alinéa 2, de la loi du 4 novembre 1969 " ; Que le moyen est fondé ;

Sur les autres griefs : Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du premier moyen et le second moyen qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue ;

PAR CES MOTIFS, LA COUR Casse le jugement attaqué, sauf en tant qu'il reçoit l'appel ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge du jugement partiellement cassé ; Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond ; Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le tribunal de première instance de Charleroi, siégeant en degré d'appel. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du vingt-trois juin deux mille cinq par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.

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